jeudi 5 février 2009

masterisation: un problème complexe

La masterisation est un problème complexe qu'il ne faut pas dénaturer par démagogie.

Ainsi, je citais moi-même un courrier du recteur de l'académie d'Orléans-Tour qui tente de recruter des étudiants de licence pour faire des vacations dans l'enseignement secondaire.

Ce type de recrutement d'étudiant non formés à enseigner pour faire des remplacement est une mauvaise chose mais c'est quelque chose qui existe depuis le milieu du siècle dernier.

Dans ce billet, je vais d'abord décrire rapidement la mastérisation puis ensuite lister et expliquer une partie des problèmes qu'elle pose.

On peut aussi se référer à cet article du monde : Formation des professeurs : parents d'élèves, si vous saviez...

Dans le système actuel, il faut avoir une licence (L3) pour passer le concours de professeur des écoles ou le capes (qui permet de devenir professeur certifié et d'enseigner à partir du collège). Il faut un master 1 (M1) pour passer l'agrégation qui permet d'enseigner à partir du collège. Le concours se prépare et se passe au mieux l'année qui suit l'année de de licence (ou de M1).

Le concours est suivi d'une année de stage pratique où le futur enseignant est rémunéra et fait un tiers temps d'enseignement complété par une formation pédagogique en IUFM.

un exemple décrit par une personne préparant l'agrégation

La mastérisation : KESAKO
La mastérisation, c'es d'abord le fait que les enseignant du premier degré et du second degré devront avoir un master pour pouvoir passer le concours.

C'est une conséquence des accords signés par la France qui imposeront à partir de 2010 d'avoir le grade de master pour être enseignant. On peut se demander s'il n'aurait pas suffit de décider que l'année de stage pratique donnait droit au grade de master pour régler le problème sans bouleversement (voir là pour la différence entre grade et diplôme de master). Ce n'est pas la solution qu'a choisi le ministère.

L'avantage du diplôme de master, c'est aussi de permettre aux étudiants recalés d'avoir une diplôme de niveau M2 leur permettant d'autres débouchés que l'enseignement. Ceci dit, ça ne sera possible que si le M2 en question n'est pas trop spécialisé vers l'enseignement.

Dans le cadre de la masterisation, le ministère a décidé de supprimer l'année de stage. Les enseignants enseigneront donc à plein temps sans formation dès qu'ils auront réussi le concours. La justification est que la formation aura lieu durant le master. Ce que l'on soupçonne, c'est que c'est pour faire des économies.

Si on compare les deux cursus, on se rend compte que la mastérisation :
  • augmente d'un an la durée avant prise de poste
  • nécessaire un niveau M2 au lieu d'un niveau L3
ràf: insérer un schéma

Quels sont les problèmes posés par la mastérisation ?
  • le devenir des étudiants qui vont échouer au concours cette année
  • le devenir des IUFM
  • la nouvelle organisation suppose de financer une année d'étude de plus
  • est-il bien utile d'avoir un master2 pour devenir professeur des écoles ?
  • la qualité des maquettes présentées par les universités vu que le ministère n'a pas encore finalisé les concours 2010
  • la qualité de la formation profesionnelle
  • le fait de devoir organiser des stages pour 4 à 10 fois plus d'étudiants
  • la suppression de l'année de stage rémunérée et la perte d'un an de cotisation retraite
une réforme à marche forcée :
Dans rythme de la réforme, et pour souligner son impréparation, on peut noter :
  • appel d'offre publié le 17/10/2008
  • date limite de retour le 31/12/2008
  • fin novembre date limite repoussée au 16/02/2009
  • nature des concours et épreuves connue le 12/12/2008
  • grille d'évaluation de l'aeres connue le 15/12/2008
  • lettre (sans valeur) du ministère de l'éducation sur les stages mi-janvier
  • circulaire de soumission de l'aeres le 29/01/2009 à 18 jours de la date limite

devenir des étudiants qui vont échouer cette année au concours

Les étudiants qui passent le concours cette année ont fait un L3 + une année de préparation du concours. En cas d'échec au concours, les nouvelles règles du jeu leur imposeraient de passer un M1 puis unM2 pour passer le concours ce qui change pas mal la donne.

Le ministère a prévu un certain nombre de mesures pour les étudiants qui passent le concours cette année :
  • les candidants admissibles en 2009 pourront se présenter au concours 2010 et s'inscrire en M2 même s'ils n'ont pas de M1
  • les universités auront le droit de valider au cas par cas tout ou partie d'un M1 aux étudiant ayant passé le concours.
Le devenir des IUFM
Le gouvernement n'aime pas les IUFM et la pédagogie. On a pu le voir au travers de déclaration hostiles aux "pédagogistes" (terme méprisant), à la valorisation de la pédagogie à la grand-papa.
Les IUFM sont les grandes victimes de la réformes: ils sont intégrés aux universités qui proposent des master de préparation aux concours de l'enseignement.

la qualité de la formation profesionnelle
Le stage rémunéré qui suivait l'obtention du concours est supprimé. La conséquence sera probablement un taux d'abandon de l'ordre de 20% en première année d'exercice comme cela se passe dans les pays qui ont un mode de fonctionnement similaire (ràf: trouver une source fiable pour ce chiffre).
L'autre conséquence est que la formation profesionnelle repose uniquement sur la formation universitaire qui précède le concours. 2 problèmes
  • on peut passer le concours avec n'importe quel master, sans avoir fait un master enseignement
  • comparé au stage rémunéré, la pratique de terrain est dérisoire
Les masters enseignements doivent faire face à deux contraintes opposées :
  • préparer au concours et assurer une formation profesionnelle aux métiers de l'enseignement
  • fournir une formation de niveau M2 qui offre d'autres débouchés que les métiers de l'enseignement
Réussir à faire ça en seulement deux ans est une mission impossible. Les pistes étudiées actuellement par les acteurs universitaires seraient d'étaler la formation sur le master et la licence. Défaut: on se retrouve avec une orientation très précoce et une formation tubulaire.

La formation profesionelle suppose de stages de terrain. Le ministère annonce 40000 stages en responsabilité ce qui est loin de couvrir l'effectif probable des étudiants de master éducation (ràf: trouver des chiffres fiables là dessus).

Le de proposer la formation AVANT le concours fait qu'on doit l'assurer pour tous les candidats alors qu'avec le système précédent, on assurait une formation APRÈS le concours pour les seuls lauréats (#10000 personnes).

rythme de la réforme et qualité des dossiers présentés par les universités
Pressé d'appliquer sa réforme l'an prochain, le ministère a imposé aux universités des délais intenable pour mettre au point leurs masters enseignement.

Au moment du retour des demandes d'ouverture de master enseignement par les université (on appelle ça une demande d'habilitation) qui sont censées contenir le détail de la formation, le ministère n'avait pas finalisé la forme des concours.

une année d'étude de plus
financer une année d'étude de plus pour atteindre le niveau master2 ne sera pas forcément accessibles aux étudiants d'origine modeste. Suite au mouvement de contestation, le ministère a annoncé la mise en place de bourse :
"12 000 bourses sur critères académiques, calculées en fonction du revenu fiscal de référence des familles (jusqu'à 60 000 euros annuels), seront attribuées pour l'année de M2 aux meilleurs étudiants de M1. Le montant maximum de ces bourses pourra atteindre 2 500 euros"
Critère académique: cela veut dire qu'elle seront attribuées en fonction des résultats scolaire et pas des revenus.

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Maintenant, les craintes ou les fantasmes

Ce que nous venons de voir, ce sont les faits concrets. Ensuite, il y a ce que l'on peut prévoir ou imaginer sans savoir si on ne tombe pas dans le fantasme.

La masterisation facilitera le recrutement de vacataires payés au lance-pierre parmi :
  • des stagiaires en cours de M2
  • des étudiants reçus au M2 mais n'ayant pas eu le concours
Voici un exemple concret et actuel qui m'a été donné par une collègue travaillant en IUFM :

j'ai une étudiante qui refait une année de préparation pour un concours du second degré. Pas admise l'année dernière. Elle a été recrutée pour faire 6 H hebdomadaires sur l'année dans sa discipline heureusement pas trop loin de chez elle et donc en vacations (34,30 EUR brut de l'heure). Donc pas assez " bonne" pour être cette année stagiaire, 6 à 8 heures dans sa discipline payée comme stagiaire et avec une vraie formation mais tout à fait suffisamment formée , c'est à dire presque pas, pour faire le même travail au tarif minimum (#200 EUR par semaine d'enseignement, rien celles où 'il n'y a pas d'enseignement)!!!!

C'est sans doute l'avenir radieux que nous allons voir offrir à tous ces étudiants titulaires d'un master "enseignement" qui n'auront pas eu le concours... ou seront en train de le repasser. 200 heures de vacations payées au tarif vacation avec un master pro. La précarisation, le statut de travailleur pauvre pour nombre de ces jeunes.


Rappelons que lors de notre dernière AG, l'un des enseignants impliqué dans les mise en place des masters enseignement a indiqué que les stages en situation du master sont un gros recul par rapport à la formation profesionnelle actuelle des enseignants.
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